Les habitants de Lutèce marchent sur des trottoirs, le long de rues pavées. Mais dans le Paris médiéval le piéton est menacé d’être écrasé ou assommé, et si la chance lui sourit, il arrive finalement chez lui couvert de boue et d’excréments. Son sort s’améliore au 19ème siècle, les dangers s’éloignent et la rue lui offre de nombreux services, tels les passages couverts, les kiosques, les toilettes. Au 21ème siècle, le marcheur parisien reste vulnérable car il est plus lent que les autres usagers, voitures, vélos et trottinettes…
La boue
Au Moyen Age, les rues de Paris sont de nauséabonds chemins de boue où le piéton s’enfonce jusqu’aux chevilles. La pluie et les eaux sales se mêlent aux immondices domestiques accumulés devant les maisons. Les animaux, porcs, chiens, bovins…èrrent et sont abattus en plein air. Un chroniqueur du 14ème siècle raconte que le premier devoir de la bonne épouse est de laver les pieds de son mari quand il rentre chez lui. Plus tard apparaissent des gratte-pieds à l’extérieur des maisons, ainsi que des services de décrotteurs payants.

Les éclaboussures
Au 16ème siècle, un règlement impose aux riverains de paver leur pas de porte avec une pente permettant de drainer leurs eaux usées vers le centre. Mais les rues sont très étroites et le parisien reçoit les éclaboussures provoquées par le passage des chevaux et des voitures. Le plus chanceux tient le « haut du pavé », près des maisons; il risque de recevoir sur la tête les excréments jetées des fenêtres, mais échappe au ruisseau nauséabond qui coule au centre. Le caniveau, apparu avec le trottoir, assurera une circulation plus efficaces des eaux sales sur le bord de la chaussée .

Les obstacles
Jusqu’au 19ème siècle, la plupart des rues mesurent un ou deux mètres de large. Elles sont encombrées d’obstacles de toute sorte, étalages de marché, enseignes, animaux errants… Les éventaires des boutiques sont prolongés par des bancs et des tréteaux. Les auvents laissent pendre des cordes et des perches. Les piétons ont peine à se frayer un chemin, et les voitures à cheval en nombre croissant aggravent la situation. Autre obstacle, les encorbellements, parties en saillies des maisons. Vélos, trottinettes et terrasses de café constituent les obstacles des temps modernes…

Les enseignes
Apparues dès le 13ème siècle dans les rues de la capitale, leur rôle est de signaler et d’attirer l’attention des passants sur un commerce quand la plupart ne savent pas lire. Elles servent aussi à se repérer, à une époque où il n’y a ni plaques de rue ni numéros aux maisons. Elles donnent fréquemment leur nom à la voie, telles la rue du Chat qui pêche ou celle des Deux boules. Leur prolifération au fil des siècles les rend dangereuses. Accrochées à de longues potences pour plus de visibilité, elles avancent jusqu’au milieu de la rue et se balancent au grès du vent dans un grand vacarme, menaçant d’assommer le piéton. Au 18ème siècle, une réglementation oblige à les fixer plus près des murs. Aujourd’hui, de nombreux magasins imitent les anciennes enseignes en métal peint, plus esthétique que le néon et le plexiglass.

Les pavés
Les romains avaient compris l’importance du pavement pour éviter le cloaque. Mais les dalles dont ils avaient revêtu les principales voies de Lutèce ne survivent pas à l’arrivée des Francs. Les rues du Moyen Âge sont infestées d’une boue immonde. Au 12ème siècle, le roi Philippe-Auguste ordonne aux riverains de paver leur rue, tandis que la ville se charge des grandes artères. L’entreprise échoue et seules quelques voies seront couvertes de larges et épais carreaux de pierre au cours des siècles suivants. Le pavé cubique, toujours présent dans certaines rues, est utilisé dès les années 1400. Extrait des carrières de pierre des environs, sa fabrication se poursuit jusqu’au début du 20ème siècle. Un pavage en bois, moins onéreux, est adopté à la fin du 19ème, mais il est glissant par temps de pluie. Le développement de l’automobile au lendemain de la première guerre mondiale fait triompher le bitume et le goudron, plus homogènes.

Les bornes
Appelées « chasse-roues » au Moyen Âge, ce sont des pierres plantées contre les murs des maisons pour les protéger des chocs des voitures. A une époque où les trottoirs n’existent pas, elles protègent partiellement les piétons. Elles peuvent dans le meilleur des cas délimiter des espaces interdits à la circulation, ancêtre des zones piétonnières. La généralisation des trottoirs au 19ème les rend inutiles. Elles réapparaissent aujourd’hui dans certaines rues de la capitale sous la forme de petits poteaux métalliques en bordure de trottoir destinés à empêcher le stationnement.

Les trottoirs
Ils étaient présents chez les romains de l’Antiquité et sans doute à Lutèce, mais disparaissent avec l’arrivée des Francs. Les rues du Paris médiéval sont beaucoup trop étroites pour envisager un espace réservé aux piétons. Le premier trottoir de Paris est aménagé en 1607 sur le Pont-Neuf, seul pont de l’époque à ne pas être couvert. Les Parisiens peuvent ainsi l’emprunter en sécurité tout en jouissant de la vue sur la Seine. Un second trottoir est construit en 1781 rue de l’Odéon menant au théâtre récemment construit. Au milieu du 19ème, les préfets Rambuteau puis Haussmann ordonnent de grands travaux pour la capitale, parmi lesquels le tracé de nouvelles voies, plus larges, en remplacement des anciennes rues. Le trottoir, indispensable à la survie du piéton, se généralisent enfin.

Les accidents
Les trottoirs, généralisés dès 1850, rendent la vie du piéton moins périlleuse, bien qu’ils demeurent souvent trop étroits. Le célèbre scientifique Pierre Curie meurt en 1906 sous les roues d’un fiacre pour être descendu du trottoir. Jusqu’au 19ème, le droit n’est pas du côté du piéton. Un cocher n’est responsable que si la victime est heurtée par les roues avant. Mais s’il est passé sous les roues arrière, il est considéré fautif d’avoir glissé. Autre tracas, les culs-de-sacs et rues sombres, repaires de brigands que l’apparition de l’éclairage urbain rendra moins menaçants.

La convivialité
Les rues étroites favorisent la convivialité. Les piétons vont d’un trottoir à l’autre, se croisent. L’atmosphère est différente dans les grandes avenues, parcourues par une circulation intense. La raréfaction des commerces de proximité joue un rôle négatif. Les habitants d’un quartier ne sont pas anonymes chez le boucher ou le boulanger mais l’indifférence règne dans les grandes surfaces. Les boutiques dites d’exception, telles les galeries, la mode, les agences immobilières, n’attirent qu’une clientèle épisodique. Au 21ème siècle, les autorités s’efforcent de rétablir des espaces de convivialité dans les quartiers, avec la piétonnisation des rues, les rassemblements festifs tels la fête de la musique, les picnics, les brocantes et vide-greniers…

La promenade
Un chroniqueur rapporte en 1780 que « les parisiens ne se promènent pas, ils courent… ». Se promener dans Paris est pourtant une habitude ancienne. Les lieux varient selon les époques : Au 16ème, la rue Saint-Antoine dans le Marais, au 17ème la Place Royale, actuelle Place des Vosges, au 18ème le Palais-Royal, au 19ème les Grands Boulevards. Badaud est un mot d’origine provençale; « badar » signifie « regarder bouche bée; il est pourtant typiquement parisien. De nombreux artistes, tels Balzac, ont trouvé l’inspiration en sillonant la capitale.

Les passages couverts
Le succès des galeries du Palais-Royal, créées à la fin du 18ème, inspire les promoteurs. L’idée de faire des rues couvertes et réservées aux piétons germe dans les années 1800. Quelques décennies plus tard, Paris compte cent-cinquante passages. Ils sont longés de magasins et offrent divers services, tels toilettes, café, cireurs…Certains s’adressent à une clientèle aisée, tels les Véro-Dodat ou Vivienne, d’autres sont plus populaires. Leur succès est immédiat, l’apparition des grands magasins précipite leur déclin dans les années 1850.

Les toilettes
Les premières toilettes publiques apparaissent dans les années 1830, à l’initiative du préfet de Paris Rambuteau. Elles sont réservées aux hommes, tenus responsables de la souillure des murs et des trottoirs. En métal et à l’air libre, elles sont pourvues d’eau courante, gratuites et…nauséabondes. Appelées d’abord Rambuteau, elles sont rebaptisées pissotières ou vespasiennes du nom de l’empereur romain Vespasien. Elles se généralisent et se diversifient sous le Second Empire, jusqu’à leur remplacement progressif dans les années 1960 par des sanisettes fermées.

Les éclairages
Le clair de lune est longtemps la seule source de lumière de la ville, et le piéton peut au mieux se munir de torches et de lanternes. Certains fichent dans le mur de leur maison des chandelles, ou placent des potences au coin de leur rue. L’éclairage public apparait au 17ème siècle, avec Louis XIV. Des chandelles, consistant en bougies protégées par des cages de verre, sont allumées aux carrefours, mais sont peu efficaces. Dans les années 1760, elles sont remplacées par des lampes à huile dotées de plaques de métal réfléchissant la lumière, et baptisées réverbères. Le gaz se développe dès 1830 malgré de nombreuses réticences (peur d’explosion, mauvaise odeur) et avec lui les becs de gaz actionnés par des allumeurs. L’électricité se généralise dans les années 1950.

Les passages pour piétons
Ils existent déjà sous les romains de l’Antiquité, sous la forme de blocs de pierre posés. Mais ils n’apparaissent à Paris que dans les années 1920, avec les premières automobiles. Ils sont matérialisés par de gros clous en métal enfoncés dans la chaussée en deux rangées parallèles. Ils sont remplacés après 1960 par des bandes blanches, plus visibles, mais le terme « passage clouté » demeure dans le langage courant. Le premier feu rouge est installé en 1923, suivi dix ans plus tard des feux tricolores.

Le mobilier urbain
Les premiers bancs consistent en des parties saillantes des boutiques et incitent au repos autant qu’à l’achat. Des bancs de pierre ou de bois apparaissent au 18ème siècle. Ils se multiplient avec la généralisation des trottoirs au 19ème. Les bancs haussmanniens, encore très présents dans Paris, sont en bois, composés de lattes fixées sur des montants en fonte. Les plus anciennes fontaines parisiennes connues datent du 13ème siècle. En 1870, un anglais richissime, Richard Wallace, est témoin de la pénurie d’eau potable dont souffrent les Parisiens, et fait installer des fontaines munies de gobelets. Elles portent son nom et son devenues un symbole de la capitale. Les cabines de téléphones publiques se multiplient dans les années 1960; les dernières sont démontées en 2017, détrônées par l’avènement du portable. Les colonnes Morris apparaissent en 1860 et informent les Parisiens sur les spectacles. Les premiers abris de bus datent des années 1960; l’entrepreneur Decaux y associe des panneaux publicitaires.

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Article captivant !