Les cafés parisiens sont mythiques et contribuent à la réputation de la capitale. Ils font partie du quotidien et participent à notre art de vivre. Ils ont conservé l’appellation du breuvage exotique introduit en France au 17ème siècle, mais la plupart se sont éloignés de leur vocation initiale. Certains ont toutefois gardé leur décor d’origine, et préservé l’atmosphère si particulière à laquelle ils doivent leur renommée.
La découverte du café
Le café pénètre en Europe par Venise. En 1643, un levantin tente d’en vendre à Paris sous forme de décoction, sans succès. Le breuvage est amer et soupçonné d’être toxique. En 1669 l’ambassadeur turc, en visite officielle à Versailles, offre à Louis XIV quelques plans de café. La boisson est appréciée du roi, et la mode se diffuse à la Cour. En 1672, un commerçant arménien, Pascal, installe un stand à la foire de Saint Germain et propose du café aux passants. Il s’installe ensuite sur les quais et engage un jeune sicilien à l’avenir prometteur, Francesco Procopio.
Procope, le premier café
En 1702, Procopio achète, grâce à ses économies, un local qu’il décore luxueusement. Situé en face du Théâtre Français, dans l’actuelle rue de l’Ancienne Comédie, le café accueille les spectateurs, auxquels se joignent comédiens, écrivains… Rousseau et Voltaire y travaillent, Diderot y conçoit son encyclopédie, Marat y imprime sa gazette. Avant la révolution, le lieu est surveillé par la police, et les habitués utilisent un langage codé pour critiquer à leur aise la religion et le roi. L’appellation de « garçon » pour désigner familièrement les serveurs vient des jeunes fils de Mr Procope que les clients interpellaient de la sorte. Le Procope fait désormais parti des circuits touristiques. Le décor évoque son glorieux passé; le papier peint est orné de symboles révolutionnaires, le bicorne de Napoléon est en vitrine.
De la taverne au café
Avant l’apparition des cafés, les seuls lieux de consommation de boissons étaient les tavernes. Le vin était servi au pot, accompagné de condiments aiguisant la soif, oignons, hareng saur…Elles étaient fréquentées par les gens du peuple, honnêtes travailleurs ou mauvais garçons. La consommation excessive d’alcool provoquait des bagarres fréquentes. Le cabaret, qui s’adressaient à la même clientèle, proposaient boissons et plats à l’assiette, ainsi que d’autres services comme la location de charrettes et de chambres. La bonne société n’y avait pas sa place, et nulle part où se retrouver. Les cafés répondent ainsi à une demande et suscite un engouement immédiat.
La clientèle
Dans les premiers cafés, au 18ème siècle, les bourgeois, les philosophes, les étudiants, les écrivains et les artistes se retrouvent. Malgré l’absence des gens du peuple, la clientèle est variée. Il n’y a ni vin, ni tabac, les clients sont sobres et l’atmosphère élégante. Les habitués s’animent lors de discussions interminables. Les idées révolutionnaires ont fermenté entre les murs des cafés. Les dames n’y pénètrent pas, mais se font volontiers servir par la portière de leur équipage. Au siècle suivant, l’offre sera diversifiée, du vin et des repas seront proposés.
Les services
Le café propose des boissons considérées comme distinguées car exotiques, et récemment importées en Europe. Le thé vient de Chine, le chocolat du Brésil et le café du Yémen et d’Éthiopie. Des liqueurs ainsi que des glaces et des pâtisseries sont également servies. Des commodités sont mises à la disposition des clients : toilettes, jeux de société, gazettes, puis des cabines téléphonique au 20ème siècle.
Le décor
Les intérieurs des tavernes et des cabarets étaient rustiques. Procopio a le génie de faire d’un local ordinaire un endroit très élégant. Les cafés doivent leur succès à l’atmosphère à la fois confortable et raffinée qui y règne. Les salles sont éclairées par des lustres en cristal. Les murs sont parés de grands miroirs et de toiles peintes. Le sol est en parquet de bois ou recouvert de tapis. Les dessus de tables sont en marbre. Les boissons sont servies dans des tasses en faïence ou porcelaine. La devanture sur rue doit également attirer le passant.
Le choix du quartier
Au début du 19ème siècle, il y a plus de quatre mille cafés à Paris. Ils se diversifient, comme leur clientèle. Les premiers étaient essentiellement dans le quartier latin, et fréquentés par les intellectuels. Le Palais-Royal devient rapidement un lieu de prédilection. Après la transformation de la capitale sous le Second Empire par Haussmann, les grands boulevards se parent de cafés, qui bénéficient de l’afflux de promeneurs et de la clientèle des nombreux théâtres. Montmartre, puis Montparnasse, deviennent à la mode et leurs cafés sont fréquentés par les artistes et la bohème. Au 21ème siècle, la plupart sont des lieux de brassage social, les ouvriers se retrouvent au comptoir pour un café matinal, les touristes prennent un petit déjeuner complet, les employés de bureaux optent pour le menu du jour à l’heure du déjeuner…
Les deux magots
Le café de la place Saint Germain des Près doit sa renommée aux nombreux hommes et femmes de lettre qui y trouvèrent l’inspiration tels Verlaine, Claudel, Kessel, Prévert, Breton. Sartre et Beauvoir s’y retrouvent, Picasso et Dora Maar s’y rencontrent. Il doit son nom aux deux statues de chinois adossées à un pilier de la salle. Le mot magot désigne une figure de chinois à l’allure pittoresque, grimaçante ou hilare. Réalisées au 19ème siècle par des artisans français, elles témoignent du goût pour les « chinoiseries » et de la condescendance des occidentaux à l’égard des asiatiques. Ces deux magots étaient à l’origine l’enseigne d’un magasin situé rue de Buci, spécialisé dans la lingerie de soie, d’où la référence à la Chine. La boutique fait faillite et le patron s’installe sur la place Saint Germain. Il est à nouveau contraint de fermer et vend le local à un café, lui abandonnant les deux magots.
Le Café Verlet
Une épicerie ouvre en 1880 au 256 rue du Faubourg Saint Honoré. Elle est spécialisée dans la torréfaction du café. La vente s’effectue sur le trottoir, devant la boutique, et l’odeur embaume le quartier. Mr Verlet reprend l’affaire en 1921. Son passé dans la marine marchande lui vaut une excellente connaissance des produits exotiques. Ses mélanges de cafés inventifs attirent les clients. Il aménage une salle élégante et confortable avec un premier étage pour accueillir les clients. Les tables sont des guéridons de bois, des miroirs agrandissent l’espace, une verrière permet un éclairage naturel. Le comptoir est en bois, le thé et le café présenté dans des boites métalliques, et les fruits confits dans des bocaux de verre.
Le café militaire
Ouvert en 1762 rue Saint Honoré, l’établissement était réservé aux militaires. Il occupait le rez-de-chaussée d’une maison qui est détruite au moment des travaux d’Haussmann, en 1862, mais le décor est sauvegardé. Exécuté par l’un des plus grands architectes de son temps, Claude-Nicolas Ledoux, il est aujourd’hui conservé au Musée Carnavalet. Des lambris de bois peints ornés de bas-reliefs dorés recouvrent les murs. Le thème est militaire avec des trophées d’armes, d’étendards et de boucliers à têtes de méduses. Le café doit son succès immédiat au caractère exceptionnel de son décor.
Le Café de la Paix
Inauguré en 1862 par l’impératrice Eugénie, il est rattaché au Grand Hôtel en bas duquel il se trouve. Situé en face de l’Opéra, il bénéficie de son public, auquel se mêlent les danseurs et ballerines. Au début du 20ème siècle, Serge Diaghilev, célèbre créateur des Ballets Russes, y réunit de grandes tablées avec la triste habitude de partir sans attendre l’addition… Le décor, de style Napoléon III, a été entièrement restauré récemment. Les différents espaces sont séparés par des colonnes, les murs sont couverts de lambris à décor végétaux, et les plafonds sont ornés de toiles peintes. Les dessus des guéridons sont en marbre, et le sol couvert d’une épaisse moquette.
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