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Apparu à la fin du 19ème siècle, l’Art nouveau révolutionne l’architecture européenne. Il est accueilli avec enthousiasme comme un art de la joie, un affranchissement de la règle, la fin de l’uniformité et du passéisme. Son succès est pourtant éphémère, la guerre de 1914 en sonne le glas.
Un art révolutionnaire
L’Art nouveau est international. Baptisé Modern style en Amérique, Jugendstil en Allemagne, Sécessionniste en Autriche ou Moderniste en Espagne, il rassemble des artistes animés par une volonté commune de révolutionner l’art. Tous adoptent les mêmes principes mais gardent leur personnalité et leur style propre. L’Angleterre ouvre la voie en 1893 avec l’exposition Arts and Craft qui prône le développement des arts décoratifs. En France, le mouvement est particulièrement dynamique à Nancy et à Paris.
Un vent de liberté
Haussmann a modernisé Paris dans de nombreux domaines, avec une amélioration du confort et de l’hygiène, une rationalisation du tissu urbain. Il harmonise les constructions, et crée des perspectives. Les façades d’immeubles sont soumises à des critères précis de gabarit et de planéité. Le répertoire décoratif est emprunté au 18ème siècle, l’innovation formelle n’est pas la priorité. Certains architectes se lassent de cette monotonie, et de ce passéisme. Ils sont à l’origine du mouvement Art nouveau qui refuse les références au passé et invente des formes inédites.
Maîtresse Nature
La principale source d’inspiration de l’Art nouveau est la nature. La ligne droite et la symétrie sont bannies. Les fenêtres sont de tailles différentes, les murs ondulent. Les artistes suivent l’exemple du Japon avec ses formes organiques et son gout pour l’arabesque. Ils étudient minutieusement les plantes, les fleurs, les insectes…Un effet de jaillissement spontané envahi les façades, le monde végétal côtoie des figures féminines ondoyantes.
De nouveaux matériaux
Le progrès dans tous les domaines de l’industrie ouvre de nouvelles voies aux architectes de l’Art nouveau. La pierre perd son rôle prédominant au profit du fer, du grès, du stuc et de la céramique, moins onéreux. Les placages destiné à dissimuler des matériaux plus ordinaires sont abandonnés et les ornements superflus disparaissent, par souci de vérité et d’authenticité. L’architecte convoque les ferronniers, les céramistes, les tisseurs, les verriers, les ébénistes. L’artisanat est mis à l’honneur.
Viollet-le-Duc
Viollet-le-Duc, célèbre pour ses restaurations d’édifices gothiques, est le père du rationalisme en architecture. Référence essentielle pour les architectes de l’Art nouveau, il les encourage à exploiter toutes les innovations techniques au lieu d’en laisser le monopole aux ingénieurs. Selon ses principes, les éléments structurels, masqués par des parements de pierre dans l’architecture traditionnelle, sont laissés apparents. Les poutres métalliques sont visibles, les gouttières prennent la forme de tiges végétales, les poignées de porte se font reptiles…Le fonctionnel devient esthétique, le beau et l’utile ne font qu’un.
Samuel Bing
Samuel Bing est un marchand d’art qui donne son nom au mouvement et joue un rôle déterminant dans sa diffusion. Il importe dès 1871 des objets japonais, dont la ligne fluide et les formes issues de la nature sont une révélation pour les artistes français. En 1895, il se tourne vers les créations contemporaines et nomme sa galerie l’Art nouveau, affirmant sa volonté de se libérer du passé. En exposant des intérieurs complets, avec mobilier, vaisselle, tableaux, éclairage…il met à l’honneur l’artisanat. Les architectes entendent la leçon, et convoquent sur leurs chantiers tous les corps de métiers sans hiérarchisation; leurs édifices sont le fruit d’une collaboration harmonieuse.
Hector Guimard
L’Art nouveau parisien est associé au nom d’Hector Guimard. Il est le plus audacieux de ses représentants. Ses immeubles d’habitations, situés dans le 16ème arrondissement, bousculent l’uniformité et l’alignement des façades existantes. Disciple de Viollet-le-Duc, il fait une autre rencontre décisive, celle de Victor Horta, chef de file de l’Art nouveau belge. Guimard est l’architecte le plus en vogue entre 1898 et 1904, année de ses premiers déboires professionnels. Ses entrées de métro et son Castel Béranger sont devenus emblématiques. Il réalise trois autres immeubles à Paris ainsi que plusieurs maisons et hôtels particuliers.
Le Castel Béranger
Situé au 14 rue La Fontaine dans le 16ème arrondissement, le Castel Béranger témoigne de l’inventivité inépuisable d’Hector Guimard. La commanditaire est une riche veuve qui souhaite faire une opération spéculative avec un immeuble de rapport destiné à la location. Soucieux de cohérence et d’unité, Guimard conçoit tout l’aménagement intérieur, dessine les moindres détails des tapis, papiers peints, poignées de porte, radiateurs…Il publie ses planches dans un recueil afin de promouvoir son talent. L’édifice est pour son auteur une véritable carte de visite et il y installe son agence. Achevé en 1898, il remporte un concours de la ville de Paris destiné à encourager la créativité et à rompre avec la monotonie haussmannienne.
Les stations de métro
Un concours est lancé pour les entrées de métro dont la première ligne ouvre en 1900 à l’occasion de l’exposition universelle. La notoriété du Castel Béranger est telle que Guimard est désigné d’office, sans avoir candidaté. Les stations doivent incarner la modernité et être suffisamment visibles pour les visiteurs venus du monde entier. La nature est l’unique source d’inspiration et chaque station est individualisée. Des feuilles géantes forment les balustrades, des branches encadrent les plaques émaillées, des verrières évoquent les ailes d’une libellule. De nombreuses stations ont hélas disparu.
Jules Lavirotte
Moins célèbre qu’Hector Guimard, Jules Lavirotte est l’auteur de plusieurs édifices Art nouveau parisiens. Son style se caractérise par l’usage du grès flammé, dont il recouvre entièrement ses façades à l’exception du soubassement en pierre de taille. Industrialisé par Alexandre Bigot, les carreaux de grès sont émaillés de couleurs vives, vertes, jaunes ou orangées, qui résistent au temps. Son chef d’oeuvre, situé au 29 avenue Rapp, est un immeuble de rapport divisé en appartements. Le décor est interprété comme un hymne à la fécondité avec des figures féminines ondoyantes; certains motifs sont des allusions érotiques, tel la feuille de la porte d’entrée.
Les grands magasins
Ces nouveaux temples de la consommation adoptent l’Art nouveau, davantage pour le décor que pour les principes architecturaux. Le message de modernité et de joie du style est propice à attirer la clientèle. Les coupoles en verre coloré du Printemps et des Galeries Lafayette impressionnent encore aujourd’hui les visiteurs. Leur structure métallique, laissée apparente, évite les cloisons au profit d’un immense espace ouvert. Les luminaires sont en forme de fleurs, les rambardes des balustrades évoquent des feuillages. Moins célèbre, l’ancien Félix Potin, devenu Zara, rue de Rennes, surprend par sa tourelle à étages, aux allures de pièce montée.
Les restaurants et hôtels
De nombreuses brasseries adoptent le style Art nouveau. Les matériaux utilisés, miroirs, céramiques, pâte de verre, donnent lieu à une profusion ornementale à moindre cout. Bofinger et Vagenende sont célèbres pour leur verrière, le bouillon Racine pour ses miroirs entourés d’arabesques. Lucas Carton, restaurant étoilé, a conservé ses panneaux de bois précieux exécuté par Louis Majorelle, ébéniste reconnu. Le décor de Maxim’s témoigne d’une grande exubérance, avec ses tonalités rouges. La façade ondulée du Céramic hôtel, oeuvre de Lavirotte, est couverte de grès flammé.
Un assagissement
L’art nouveau est dominé par de fortes personnalités, essentiellement Hector Guimard et Jules Lavirotte à Paris. La plupart des architectes de l’époque n’ont pas leur audace, et se contentent d’emprunter le vocabulaire ornemental qu’ils plaquent sur des façades traditionnelles. Les immeubles de Charles Plumet témoignent de cette appropriation superficielle avec ses immeubles de l’avenue Victor Hugo. Après 1905, Guimard lui-même s’assagit, l’hôtel particulier Mezzara ou la maison qu’il fait construire pour son usage personnel avenue Mozart présentent des façades uniformément grises, les lignes sont plus simples, les motifs végétaux ont disparu.
Vers la modernité
L’Art nouveau est condamné à partir de 1914, surnommé « style Nouille », jugé sévèrement et considéré par les architectes comme une folie. Victime de ses exagérations, il lasse et passe de mode. Son succès fulgurant et bref était lié à une volonté de rompre avec un art passéiste, d’inventer une manière de construire révolutionnaire et des formes inédites. Il est toutefois le point de départ d’un renouveau, ouvre la voie vers la modernité. L’Art déco qui suit lui oppose ses lignes droites, mais poursuit l’idée d’une collaboration étroite entre architectes et artisans.
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