Paris est jalonné de statues et monuments aux grands hommes de son passé. La plupart sont érigées au 19ème siècle, avec une frénésie surnommée Statuomanie. Elles font revivre les grands acteurs de notre histoire, racontent les évènements d’un passé lointain ou proche…
Statues parisiennes à statuts variables
De qualités variables, les statues de Paris sont généralement en bronze ou en pierre. Lorsqu’elles sont en pied (le personnage est représenté de la tête aux pieds), le domaine dans lequel le modèle s’est distingué est exprimé; un peintre avec sa palette, et parfois ses muses ; un homme politique debout, digne ; un inventeur avec le fruit de ses recherches ; une femme de patron faisant la charité etc… Plus réducteur, le buste, placé au sommet d’un pilier, est une solution économique. L’emplacement est essentiel, un carrefour ou une grande place offre plus de visibilité qu’un coin de jardin. Trouver un lieu en rapport avec le modèle est idéal, mais pas toujours réalisable.
Embellir la ville
La capitale fait l’objet de travaux colossaux au cours du 19ème siècle, et particulièrement sous Napoléon III (1852-1870). Les ruelles tortueuses et étroites sont remplacées par de grands axes rectilignes avec des perspectives, des places et des carrefours, créant une multitude d’emplacements pour des statues. Les espaces verts créés par l’Empereur, squares et parcs, en accueillent également en grand nombre. La richesse croissante des pouvoirs publiques, dans les décennies suivantes, permet de financer de nombreux projets. Les simples citoyens sont également mis à contribution généralement par des souscriptions volontaires, heureux de rendre un dernier hommage à leur héros et d’être conviés à l’inauguration du monument.
La peur de l’oubli
Au-delà de leur rôle décoratif, les monuments nés de cette statuomanie témoignent d’un état d’esprit nouveau : la volonté de conserver la mémoire du passé national par l’évocation de ses acteurs, au moyen de statues disposées dans les espaces publiques. Cet intérêt accru pour l’Histoire, qui a démarré sous Monarchie de Juillet (1830-1848) et s’est poursuivi et amplifié sous la Troisième République (1870-1940) s’explique dans un contexte de bouleversements : la Révolution a détruit de nombreux témoignages, en particulier le patrimoine religieux et monarchique, et la Révolution Industrielle naissante crée une rupture brutale et fait naître la peur de l’oubli et le besoin d’un enracinement.
La pédagogie par la statue
La Statuomanie a également un rôle éducatif qui fraie parfois avec la propagande. Le peuple se cherche de nouveaux guides, après la Révolution Française. L’Ancien Régime célébrait les monarques et les religieux ; l’esprit nouveau se doit de puiser dans le vivier des hommes « ordinaires », plus à mêmes de servir d’exemple au peuple car plus proche du lui. Face à un besoin croissant ces nouveaux héros sont « recrutés » parmi les politiciens, patrons, artistes, inventeurs, qui ont joué un rôle dans le passé national, généralement proche. Les périodes plus anciennes fournissent aussi des modèles qui se sont distinguées en bravant le pouvoir malgré leurs origines humbles, telle Jeanne d’Arc, ou Bernard Palissy jeté au cachot sous Henri II pour avoir refusé d’abjurer sa religion protestante.